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17/08/2018

ILLETTRISME

ACCOMPAGNER UN ILLETTRÉ SUR LE CHEMIN DU SAVOIR LIRE

« C’était mon secret. Jusqu’à 35 ans, je ne savais ni lire ni écrire. »
Cette phrase en 1ère de couverture du document "Orphelin des mots" de Gérard Louviot résume toute la détresse de ceux à qui l’on accorde le qualificatif de personne illettrée. Dans ce public marginalisé, il n’existe ni bons ni mauvais illettrés, mais seulement des personnes à qui le droit au savoir n’a pas été reconnu.

En accueillant ces demandeurs d’apprentissage de la lecture, Auxilia fait le pari que tout est encore possible et se propose de les accompagner vers leur autonomie de lecteurs/producteurs d’écrit.

Illettrisme, analphabétisme ou français langue étrangère ?

Si ces trois qualificatifs désignent un même symptôme, la définition de chacun d’eux met en évidence que, dans chaque cas, l’origine de ce symptôme est différente.

Il faut d’abord souligner que la notion d’illettrisme est une notion récente et complexe et qu’elle n’est utilisée que depuis 1980. En effet, alors que jusqu’à cette date on regroupait derrière le terme d’analphabètes tous ceux et celles qui, n’ayant jamais été scolarisés, ne savaient ni lire ni écrire, on prit conscience de la complexité du problème puisque, malgré une scolarisation normale, toute une partie de la population s’avérait incapable de lire et d’écrire. D’où la nécessité de faire une distinction entre analphabétisme et illettrisme.                                                     
On parle d’analphabétisme lorsqu’une personne n’a jamais été scolarisée et n’a jamais abordé les apprentissages de base en lecture, en écriture et en calcul.                                                                   
On parle d’illettrisme lorsqu’une personne scolarisée normalement n’a pas acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l’écriture et du calcul, cette situation empêchant d’être autonome dans les actes de la vie courante.
On parle de français langue étrangère (fle) lorsqu’il s’agit d’enseigner la langue française à des personnes non francophones.

Comment identifier une personne illettrée ?

Il n’existe pas de profil type de l’illettré, mais des profils divers ; le seul point commun à ces profils étant leur faible niveau de scolarisation qui apparaît comme l’entrave à des cursus de formation qualifiante. En conduisant des actions de formation, on peut observer que toutes ces personnes n’éprouvent pas les mêmes difficultés : l’écart est grand entre la personne qui bute sur le déchiffrage des mots et celle qui est en capacité de lire un texte court et de le comprendre.
C’est cette situation que nous, formateurs-enseignants d’Auxilia, rencontrons quand nous accueillons un nouvel apprenant.

Qu’est-ce qu’apprendre à lire ?

C’est mettre en jeu en même temps deux activités très différentes : identifier les mots écrits par assemblage ou adressage et leur donner un sens dans le contexte. Chez le lecteur expert, ces deux activités se font simultanément sans difficulté ; chez le lecteur débutant, l’identification des mots est malaisée et trop lente pour accéder à une mémorisation permettant de donner du sens à l’ensemble.
Exemple : dans la phrase « la peste est une grave maladie » pour lire le mot maladie, le lecteur débutant va décomposer le mot lettre à lettre, syllabe à syllabe, etc. ; alors que le lecteur expert, maîtrisant le contexte, va, dès qu’il aura identifié la 1ère syllabe, deviner quel est ce mot.

Comment accueillir un apprenant illettré ?

Le formateur-enseignant d’Auxilia se doit d’être attentif à ce que représente la formation pour l’apprenant illettré qui lui est confié. Certes, l’illettrisme alerte sur les déficits en matière de communication écrite mais, en même temps, il signale le fait que le patrimoine culturel de cette personne et son capital de compétences et d’expériences se sont construits sans pouvoir s’appuyer sur la capacité de savoir lire et écrire. Et c’est là le signe d’une mobilisation active de capacités d’apprentissage informel qui ne sont pas passées par l’écrit et d’une intelligence pratique qui s’est développée sans avoir recours à la communication écrite.
Pour cet apprenant et avant même qu’il soit entré en action, il y a :


Une expérience et des acquis personnels à mobiliser
Un adulte illettré, même s’il n’est pas parvenu à une maîtrise de compétences en lecture/écriture suffisante, n’est pas une « page blanche » puisqu’il a acquis une expérience, des savoir-faire et un savoir-être ; il n’est pas resté inactif face à un écrit et avec plus ou moins de succès il a su développer des stratégies pour pallier ce manque (des exemples de stratégies sont parfaitement décrits dans le document de Gérard Louviot).
En même temps, persuadé d’être hors norme, il a su dissimuler cette carence comme s’il en avait honte. C’est pour cela qu’en s’inscrivant aux cours d’Auxilia, l’apprenant illettré, d’une manière générale, n’avoue pas qu’il ne sait pas lire, ne demande pas de cours pour apprendre à lire, s’attribue un niveau plus élevé que celui qu’il maîtrise réellement et souhaite suivre une formation fréquemment inaccessible pour lui.


Des besoins à exprimer et à intégrer

Cette situation d’illettrisme est due vraisemblablement à un passé douloureux : passé familial, passé scolaire, passé d’insertion, etc ., autant de situations infructueuses pour accéder au savoir.

 

Aujourd’hui, sur le point de tenter une expérience de formation, l’apprenant a besoin de faire émerger des besoins, besoins que le formateur devra prendre en compte :

  • besoin de savoir pourquoi il lui faut entrer dans une démarche d’apprentissage des savoirs fondamentaux, dont l’apprentissage de la lecture, alors qu’il en a passé l’âge,
  • besoin de quitter une posture d’élève, situation bien connue de lui et qui ne lui a pas réussi, pour passer à une posture d’apprenant avec la possibilité de trouver du sens aux apprentissages proposés puisque représentant un palier nécessaire à la réalisation de son projet,
  • besoin d’être reconnu comme un individu capable de s’autogérer et n’ayant pas à subir la volonté d’un expert,
    besoin d’être reconnu muni d’une expérience propre qui ne ressemble en rien à celle d’un autre et qui devra être prise en compte à travers une pédagogie individualisée,
  • besoin, pour assimiler de nouvelles connaissances, de prendre appui sur des situations clairement définies et faisant partie de son vécu,
    besoin d’identifier l’apport de nouvelles connaissances comme outil pour affronter des situations réelles,
  • besoin de se rassurer et de se donner une image positive de l’estime de soi.
    Pour le professeur, ce sera :
    Des réponses à apporter
  • en dédramatisant la situation et en redonnant confiance à l’apprenant,
  • en ne reproduisant pas des situations d’apprentissage où le professeur déverse son savoir et soumet ensuite son apprenant à des exercices d’application,
  • en mettant en évidence que l’erreur, plutôt qu’être une faute, participe à la construction du savoir,
  • en prenant du recul par rapport à une situation d’échec,
  • en valorisant des savoirs déjà acquis à partir de situations de lecture déjà rencontrées et en choisissant, de préférence, des supports d’apprentissage prenant appui sur le vécu personnel de l’apprenant,
  • en aidant à se projeter, à se motiver,
  • en définissant un plan de travail dans lequel les compétences visées seront clairement énoncées.

EN CONCLUSION

C’est l’apprenant qui donne matière à construire le travail à réaliser avec lui.
C’est l’enseignant qui se plie au constat pour une remédiation suivie d’une progression.

 

Par Monique Girardet, formatrice-enseignante bénévole depuis 2004

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