Actualités

26/04/2017

Un détenu militant

J’ai correspondu pendant 7 ans avec D.E., en tant que professeur d’anglais d’abord, puis plutôt en tant qu’ami. Sans savoir la cause exacte de sa condamnation, j’en connais avec certitude l’origine première : mon ami est une victime du Distilbène, cet anti épileptique prescrit pendant des décennies à des femmes enceintes alors même que ses effets nocifs potentiels étaient connus. Ces derniers temps enfin, on vient d’apprendre la condamnation du ou des laboratoires qui le produisaient. D.E. était né avec une malformation génitale, causée par le Distilbène, et le déséquilibre grave qui en est résulté a causé sa déviance à un moment donné de sa vie. Il appartenait à une association de défense des victimes, et depuis sa cellule il n’a cessé de se battre pour faire reconnaître le préjudice subi par lui-même et par des milliers d’autres dans son cas. Il y a quelques années aucun procès n’aboutissait, surtout parce qu’on ne pouvait prouver lequel des deux laboratoires avait fourni le produit dans un cas précis.
Parallèlement à ce combat, et malgré ses graves problèmes de santé, notamment cardiaques, mon courageux ami interpellait sans relâche l’administration pénitentiaire au plus haut niveau national et le défenseur des droits chargé des lieux de prévention de liberté, au sujet des diverses injustices frappant les détenus et notamment la règle inique selon laquelle pour les travailleurs détenus, un seul trimestre de cotisation retraite était compté pour une année entière de travail. Menant parallèlement des études universitaires sur la gestion des ressources humaines, il a même réussi, au prix d’un combat acharné, à créer une entreprise depuis son lieu de détention, entreprise qu’un ami codétenu libéré avant lui a pu effectivement lancer par la suite.
Rempli d’admiration pour son courage et son altruisme, je l’ai soutenu de toutes mes forces, surtout lorsqu’il était au bord du suicide, intervenant pour lui auprès de l’administration pénitentiaire. Et je ne lui en veux pas de n’avoir pas donné suite à sa promesse de nous rencontrer pour partager un bon repas après sa libération. Les « vieux routiers » d’Auxilia savent combien il est rare de poursuivre une correspondance avec un « ancien élève » détenu.

 

par M.Delagnes, formateur enseignant Auxilia EAD, et ancien correspondant de prison

Article publié dans la Lettre d’Auxilia de janvier 2017

Partager :  

Les derniers articles