Actualités

14/10/2020

Ils soutiennent Auxilia - Interview de Paul HALTER

Tels de fins limiers, nous avons voulu en savoir plus sur l'écrivain Paul Halter, maître de l’étrange.  Nous vous invitons à partager cette enquête où le digne héritier d’Agatha Christie et de John Dickson Carr, nous dévoilera quelques-uns de ses secrets de création et s’interrogera sur le pouvoir de l’écriture, un bel écho à notre activité de correspondance avec les détenus. 

 

Propos recueillis par Stéphane d'Auxilia 

 

Bonjour Paul. D'où vient votre passion pour l'écriture de romans policiers ?

Ma passion pour le mystère remonte à l’enfance. Et comme nombre d’auteurs,

j’imagine, j’ai été très influencé par mes premières lectures, «  Club de cinq », « Clan des sept », puis Agatha Christie, bien sûr. J’ai découvert John Dickson Carr, bien plus tard, pour la simple raison que ses romans n’étaient guère disponibles en province à cette époque. 

Avec lui, ce fut réellement le coup de foudre. J’ai tout dévoré d’un coup, puis j’ai été pris d'une grande frustration en étant privé de ''nourriture''. M’est alors venu l’idée de donner une suite personnelle à ses intrigues sophistiquées, et c’est ainsi qu’est née « La Malédiction de Barberousse », qui a été couronnée par un prix régional. Depuis lors, je n’ai cessé de me consacrer au crime !

 

Vous avez le don de captiver vos lecteurs en les rendant acteurs de leur lecture. Comment réussissez-vous cette prouesse de maintenir l'intérêt du lecteur en perpétuel éveil ? En effet, en vous lisant, on devient enquêteur au même titre que vos personnages fétiches, le docteur Alan Twist et l'inspecteur Archibald Hurst.

Je crois que ma recette est très proche de celle des auteurs policiers classiques (Conan Doyle, Christie, Carr, etc.) : un détective omniscient et un faire-valeur, comme Watson, à qui peut s'identifier le lecteur. Quant à la manière de conduire mon récit, je suis un peu mon instinct, ou disons que j’écris une histoire que j’aimerais lire. Pour « accrocher », je pense qu’il faut être sensible à ce type d’histoire, c’est-à-dire aimer le drame et le mystère, qui est un peu le prolongement pour adultes des contes de fées qui ont bercé notre enfance.  « L’inconnu, la peur, l’insolite, le merveilleux », voilà qui pourraient être les maîtres mots de mon approche du roman policier.

Parlez-nous de votre succès en Asie. Comment peut-on expliquer un tel engouement ?

J’ai pu me rendre compte au fil de mes contacts avec l’Extrême-Orient, qu’il y a là-bas une fascination pour la France (voire l’Europe), pour sa culture traditionnelle. Et le roman policier n’échappe pas à cette règle. Les intrigues sociales ou politiques à messages ne les intéressent guère. Prenons l’exemple d’Arsène Lupin, qui est quasiment oublié en France. Au Japon, vous trouvez encore ses aventures dans toutes les librairies. À ma connaissance, en France, je suis sans doute un des seuls romanciers à écrire ce type d'histoires aussi régulièrement. 

Je sais, c’est assez à contre-courant, mais je n’ai nulle envie de changer mes habitudes. Je suis donc très heureux  d’avoir un public enthousiaste à l’autre bout du globe !

En détention, l'écriture, par le biais de correspondances amicales ou d'enseignement à distance comme les cours d'Auxilia, permet aux prisonniers de garder un meilleur moral. Comment expliquer ce pouvoir de l'écriture ? À quel moment de la journée écrivez-vous vos romans et pourquoi ce choix ? Combien de temps peut vous prendre l'écriture d'un ouvrage ?

Le pouvoir de l’écrit, c’est un peu le pouvoir du rêve, ou celui de moduler un récit en fonction de sa propre imagination. Aucun autre média ne le permet de manière aussi nette (Un film, par exemple, impose des sons et des images.) Avec un livre, c’est vous qui choisissez !  D’autre part, j’ai une prédilection pour le papier. 

J’aime avoir mes livres préférés à portée de main, pouvoir les feuilleter à tout moment, retrouver une citation, un passage. Voire les relire pour me replonger  dans une histoire  qui m’a fait vibrer.

Concernant l’écriture même, j’ai essayé toutes les stratégies temporelles: le matin, l’après-midi, le soir, la nuit, l’aube… avec bonheur selon les périodes.

Aujourd'hui, c’est essentiellement le matin. C’est là que mes idées sont les plus claires (peut-être parce que je vieillis !). Quoi qu'il en soit, j’essaye d'écrire, dans la mesure du possible, d’un seul jet. Autrement dit, je m’y consacre exclusivement durant cette période. Et quand je pose ma plume, je réfléchis à la suite de mon histoire. Mon entourage en pâtit : « je suis ailleurs, je vis sur une autre planète ». Si bien que, pour retrouver une vie « normale »,  je termine assez rapidement mon histoire, en environ un mois. Mais je parle là de l'écriture, et non de la préparation de mon intrigue, qui, elle, est difficilement quantifiable.

Quels sont vos projets artistiques pour les mois à venir ? Si nos lecteurs souhaitent découvrir vos romans, comment peuvent-ils faire pour se les procurer ?

Actuellement, je suis en train de travailler, avec deux autres créateurs, sur un jeu d’énigmes (chez l’éditeur studio H), qui devrait être édité à la fin de l'année, et qui se présentera sous forme de jeux de cartes avec plans, en proposant trois enquêtes, menées par un détective en jupon : Claire Harper. C’est une nouvelle démarche pour moi, assez excitante je dois le dire, bien qu’il y ait plus de contraintes que dans un roman. Je précise que l’idée vient de Guillaume Montiage, expert en jeux d’enquêtes, que j’ai rencontré l’hiver dernier à l’occasion d’un festival du jeu et du roman policier à Shanghai. J’ajoute qu’à cette occasion aussi, Guillaume et moi avons été très impressionnés par la ferveur du public chinois, et leur accueil chaleureux.

Où se procurer mes romans ? Pour mes derniers titres parus aux Éditions du Masque, on peut les commander en librairie. Sinon, il faut passer par Amazon (Éditions Eurydice), qui propose une quinzaine de titres. Pour les autres, ce sera le marché de l’occasion…

Merci beaucoup d'avoir participé à cette interview Paul. C'est un honneur pour nous. Pour conclure, quel message souhaiteriez-vous laisser aux formateurs bénévoles d'Auxilia et à leurs apprenants détenus ?

J’ai toujours fait mienne la citation de Julien Green : 

« Un livre est une fenêtre par laquelle on s’évade ».

Le bonheur engendré par la lecture est un remède à bien des maux. De même que l’ombre rehausse la lumière, les épreuves sont nécessaires pour pleinement apprécier le bonheur. Je laisse le mot de la fin à un de mes détectives récurrents, Owen Burns - souvent confronté à des énigmes mythologiques : « Et n’oublions pas qu’au fond de la Boîte de Pandore, on y trouve l’Espérance »…

 

 

 Écouter un extrait du livre lu par Malyka R.Johany 

Partager :  

Les derniers articles