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17/12/2020

Ils soutiennent Auxilia - Interview Hugues Aufray

À l’occasion de la sortie de son nouvel album « Autoportrait », le chanteur Hugues Auffray, sensible à l’action d’Auxilia, nous a fait l’honneur de répondre à nos questions. Il nous parle avec passion de sa profession et de ses projets.

Enfin chers lecteurs, il vous laissera un message personnel.

 

INTERVIEW

Par Stéphane d’Auxilia

 

Bonjour Hugues. Comment est née votre passion pour la musique et le chant ?

La passion pour la musique et le chant n’est jamais venue, elle a toujours été là. Elle est née à ma naissance. Elle fait partie de moi, du bébé que j’ai été et qui a poussé son premier cri en voyant le jour. Le cri du bébé c’est déjà une façon de s’exprimer, de dire « je suis vivant » ou « j’ai faim ».

La passion était là dans mes veines ; j’ai toujours entendu chanter dans ma jeunesse autour de moi ; je pense par exemple aux offices des Dominicains dans le Tarn où j’étais à l’école.

Nos lecteurs très sensibles aux questions carcérales seraient heureux de savoir comment est née la chanson « Le Pénitencier » dont vous avez écrit les paroles…

« Le Pénitencier » est l’adaptation de « House of the rising sun » qui, à l’origine est une chanson afro-américaine, une sorte de blues qui met en scène l’histoire triste et contemporaine d’une malheureuse jeune femme de Louisiane qui se prostitue dans une maison close pour nourrir sa famille.

En 1964, la version chantée par le groupe britannique The Animals est un immense succès. Johnny qui appréciait beaucoup ce titre m’a demandé d’en écrire une adaptation. Quand j’ai vu le texte d’origine, j’ai compris que ce n’était pas possible de parler d’une maison de passe dans une chanson de Johnny qui à l’époque était classé chanteur Yéyé. Alors j’ai imaginé un texte dans lequel Johnny interpréterait un personnage de jeune délinquant condamné à entrer au pénitencier. J’ai choisi le mot de pénitencier plutôt que de prison, car c’est un mot un peu folklorique pour les Français, un mot moins fort que prison. Cette chanson, à l’époque, a été le titre numéro 1 de Johnny qui a assumé son rôle de mauvais garçon, un peu délinquant, mais pas méchant.

« Le Pénitencier » a lancé vraiment Johnny qui a pu sortir du milieu Yéyé.

Vous avez chanté une très belle chanson qui s’intitule « La Mort solitaire de Hattie Caroll » qui évoque également l’univers judiciaire. Cette chanson a été composée par Bob Dylan. D’où vient votre admiration pour cet artiste américain ?

« La mort solitaire de Hattie Caroll » relate le meurtre d’une serveuse noire de 51 ans, Hattie Caroll dans le sud des États Unis en 1963 par le jeune William Zantzinger. Sous l’emprise de l’alcool, ce gosse de bonne famille, car il n’était pas servi assez vite, frappa à coup de canne la domestique. Zantzinger sera jugé, mais grâce à ses relations et sa richesse, il s’en tira avec seulement 6 mois de prison et quelques milliers de dollars d’amende.

À travers cette chanson, Dylan mettait en lumière une profonde injustice sociale basée sur le racisme le plus primaire et le plus violent ; il montrait aussi les dérives d’une justice achetée par l’argent. Je me sens proche de Bob Dylan, car il chante des sujets qui me touchent. C’est un humaniste. Tout comme moi, il déteste que l’on dise qu’il est engagé.

L’engagement, c’est dangereux. Il faut essayer d’être toujours libre. Je ne suis pas non plus aveuglé par l’american way of Life. Je dis juste que dans un monde qui n’est pas parfait, aux États-Unis, il y a toujours l’espoir de réussir pour ceux qui sont travailleurs, courageux et honnêtes.

Je juge le monde avec lucidité. Bob Dylan et moi n’avons jamais « retourné notre veste ».

Je crois que vous avez écrit une autre chanson rendant hommage à un aumônier de prison…

La chanson « Hasta Luego » est dédiée au père Jaouen, prêtre breton qui venait effectivement visiter les détenus. Une fois à la retraite, il a armé un trois-mâts en Hollande qu’il a baptisé « Le Bel Espoir » ; à son bord, il accueillait surtout des jeunes toxicomanes en rupture avec la société. Il leur apprenait les métiers de la mer. Il a consacré sa vie aux jeunes en difficultés pour les aider à se réinsérer.

« Laissez passer les enfants de la nuit.

Ils vont chercher le grand vent de l’oubli.

Toi qui n’as rien, embarque-toi avec nous

Donne-moi la main, car ta place est parmi nous » (extrait de Hasta Luego)

 

Vous êtes très sensible à la nature et aux animaux. En détention, on commence d’ailleurs à faire des ateliers avec des animaux pour aider à la réinsertion des détenus. Quelle place tiennent dans votre vie la nature et les animaux ?

J’étais un enfant dyslexique ; j’avais des difficultés à lire. Mais j’avais lu avant même d’aller à l’école à vrai dire. Car je lisais dans « le livre de la nature » en observant les animaux et les plantes. Celui qui découvre le monde de la nature a fait 50 % du chemin.

Les animaux ont une grande importance dans ma vie, je communique bien avec eux. Je ne suis pas végétarien, mais j’ai du respect pour ces animaux qui nous donnent leur vie pour nous nourrir. Quand je m’occupais de ma colonie de vacances « L’été Indien », j’avais constaté qu’au moment de déjeuner les enfants se comportaient souvent comme des barbares. Les premiers servis avaient déjà fini leur plat alors que certains n’avaient pas encore reçu le leur. Pour éviter cela, j’ai créé une « modeste » prière avant le repas. 

Cela commençait ainsi : « Que cette nourriture vous profite ; remercions ceux qui l’ont préparée et la nature à qui nous la devons ». Le rôle réconfortant des animaux pour les prisonniers me fait penser à la chanson « Mireille » de Dick Annegarn ; dans cette composition, une mouche vient visiter le détenu Raymond qui s’apaise. Le texte dit ainsi : « La brute apprivoisée pour bonne conduite est libérée ».

Quels sont vos projets artistiques pour les mois à venir

Je souhaite « continuer à apprendre à jouer de la guitare ». Tous les jours je travaille pour progresser. Il y a deux ou trois albums que j’ai en tête et qu’il faut absolument que je fasse.

J’aimerais chanter sur les  grandes scènes des Vieilles Charrues, Francofolies et Printemps de Bourges. Le nouveau disque que je viens de faire et qui est très vivant est tout à fait adapté pour ces évènements.

Faire un bouquin sur ma vie, ce que beaucoup de monde me demande. Sculpter, peindre.

Faire des concerts à travers la France, mais pas de tournées à l’étranger. Les longs voyages m’éloignent de la maison et puis je n’ai pas envie de laisser mes chats seuls.

 

Merci beaucoup pour cette interview Hugues ; nous sommes particulièrement honorés d’autant plus que l’association Auxilia, tout comme vous, vient de fêter ses 91 ans :-)  Pour conclure, quels messages aimeriez-vous laisser à nos formateurs bénévoles Auxilia, ainsi qu’aux détenus apprenants Auxilia ?

 

Tout d’abord, je tiens à vous dire quelque chose qui me tient à cœur.

L’instruction se compose de l’éducation et de l’enseignement. Un professeur ne devrait pas être chargé de l’éducation ; il est là pour expliquer des connaissances, transmettre un savoir ; il n’est pas là pour faire la discipline. Il n’y a plus d’éducation aujourd’hui.

Il devrait y avoir des éducateurs à l’école pour expliquer comment se comporter hors de la maison. Je souhaite que l’on éduque et que l’on s’inspire de ce que disait Albert Camus : « Ce que j’ai appris de la morale, je l’ai appris sur le terrain de football, en acceptant la défaite, la victoire avec modestie ; en respectant les règles, l’arbitre, l’adversaire. » Je suis d’ailleurs en train de faire les démarches nécessaires auprès du ministre Jean-Michel Blanquer pour mettre le sujet sur la table. Le ministère de l’Éducation nationale devrait donc reprendre son nom de ministère de l’Instruction publique. Comme disait Camus, « mal nommer les choses ajoute du malheur aux hommes ».

Il y a également un problème en amont dans l’éducation donnée par les parents. Je crois à l’éducation par l’exemple. Si un enfant voit ses parents fumer par exemple, il y a de fortes chances qu’il fasse pareil.

Dans mon CD « Autoportrait », le titre « Sur les péniches de l’Erie Canal » chanté avec mon arrière-petite-fille irlandaise de 8 ans, raconte l’histoire d’un muletier qui a une relation très fraternelle avec sa mule qui tire sa péniche sur le chemin de halage. À la fin,  il y a une petite leçon de morale quand le capitaine dit au moment de passer sous le pont : « Low Bridge (pont bas). Tout le monde baisse la tête ; Low bridge, passé le pont, on lève la tête »

C’est le message que je passe aux détenus.

 

Je suis très admiratif des formateurs bénévoles d’Auxilia qui consacrent leur vie à l’enseignement et à la réinsertion.

 

 

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