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11/01/2021

Ils soutiennent Auxilia - Interview Bubune, poète

Avec Bubune la poésie entre en prison

A l’occasion de la parution de son cinquième recueil de poésies rempli d’humour « Par le petit bout de la Bourcquette » , Bubune, le poète agriculteur et membre de l’association Le Courrier de Bovet, nous a fait l’honneur de répondre aux questions de l’interview Auxilia. 

 

Le Courrier de Bovet organise des correspondances régulières entre les personnes détenues et des correspondants extérieurs bénévoles, dans un respect et une discrétion mutuels. 

 

INTERVIEW

Par Stéphane d'Auxilia

 

D’où vient ta passion pour les animaux et l’univers de la ferme ? Quel parcours as-tu suivi pour que cela devienne ton métier ? 

En 3ème j’étais bon en histoire, géo, français, anglais. Les profs me conseillaient de faire L. Mais j’ai suivi mes copains qui allaient en lycée agricole. En fait, une erreur. Les cours ne me plaisaient pas. J’ai commencé d’ailleurs à écrire des poèmes lors de ces ennuyeux cours. Le résultat final est que je n’ai pas obtenu mon diplôme. Mais j’avais le niveau pour m’installer et mon père m’a embauché sur la ferme familiale. Il y avait du travail, le grand-père vieillissait et il y avait les vaches à traire... Je me suis souvenu que gamin, je dessinais les veaux à la naissance et leur donnais un nom !

J’avais des idées pour être journaliste grand-reporter ou avocat de la défense. Je me suis retrouvé agriculteur, mais j’ai bien aimé, on est proche de la nature et des animaux. J’ai bien aimé, disons les 20 premières années, après j’ai éprouvé une saturation.

D’où vient ta passion pour la poésie ?

J’ai donc commencé à écrire quelques poèmes au Lycée. C’est un jeu la poésie, aller à la ligne quand on le sent, trouver la rime, c’est jouer, même lorsque tu t’imposes un poème en octosyllabes ou alexandrins, ça reste un jeu. Les quelques poèmes que j’ai écrit au Lycée agricole sur feuilles volantes ont été perdus ! On surnommait le sous-directeur « le chat ».

De mémoire je me souviens :

Quand au monde le chat est arrivé

Ses poils étaient déjà tout gris

Son surnom on l’a facilement choisi

Ce serait « le chagriné »...

Et puis je n’ai plus écrit jusqu’en 1995 environ et je m’y suis remis petit à petit, toujours sur feuilles volantes...

Mais le déclic arriva vraiment en 2006 quand un ami journaliste m’a demandé d’alimenter son blog. Je me suis mis à « pondre » des poèmes et cette époque a coïncidé avec mon entrée au CDB (Courrier de Bovet début 2007).  J’ai notamment écrit pour ma correspondante en prison, Myriam, 2 poèmes clefs « Libertés » et « Barreaux, maîtres ». Et après, j’ai vraiment enchaîné en écrivant un peu sur tout : j’ai publié mon premier recueil en 2009 : Tronches de vie. Le livre : le bon moyen pour ne pas égarer ses feuilles blanches !

Tu es également correspondant pour l’association du Courrier de Bovet. Peux-tu nous présenter cette association ? Qu’est-ce qui t’a motivé pour entretenir des relations épistolaires avec les détenus ?

Le Courrier De Bovet est l’association nationale de correspondance avec les détenus. Cette association a été créée dans les années 1950 par une dame du nom de Bovet. Elle a pour but de mettre en relation épistolaire des membres de l’association avec des personnes en détention. Il existe un service de parrainage. Des délégués régionaux, départementaux et des CAEP  (Correspondant Auprès des Établissements Pénitentiaires). C’est ce que je suis dont le rôle principal est de faire de la pub de notre association aux établissements pénitentiaires de notre département ou même départements voisins.

Je me suis intéressé à l’univers carcéral après avoir lu « QHS » de Roger Knobelspiess. J’ai pris conscience des conditions de détention et de l’isolement. Un jour, je lisais le journal local et l’article du jour relatait le fait qu’une dame déjà âgée arrêtait sa participation au CDB. Et je me suis dit, écrire aux personnes détenues, c’est une évidence que je dois faire ça !

En quoi l’écriture est-elle un bon moyen pour garder un meilleur moral quand on est prisonnier ?

Écrire peut être un moyen pour garder le moral. Écrire c’est échanger avec une autre personne, et en l’occurrence pour ce qui concerne la personne en détention avec une personne de « l’extérieur ». C’est un lien primordial. Quelquefois les personnes détenues n’ont plus aucun lien, car rejetées par leur famille et ils ont perdu leurs amis.

Nous devenons un lien important. Au CDB, la charte exige qu’on ne juge jamais les prisonniers, nous nous contentons d’écrire des choses simples, raconter notre vie, parler de l’actualité... Mais aussi des conditions de leur détention, leur santé, leur moral... Nous accueillons leurs éventuelles confidences et pouvons aussi les aider pour leurs futures réinsertions... Je pense même que si notre association était plus connue, il y aurait plus de personnes détenues qui demanderaient une correspondance avec notre asso. Le problème est que les gens en général écrivent de façon épistolaire de moins en moins. Un chiffre éloquent en 2007 quand j’arrive au CDB le ratio est de 1000 personnes de notre asso correspondent avec 1000 détenus (environ). Ce ratio est maintenant d’environ : 800 pour 600.

Quels sont tes projets professionnels et artistiques pour les mois à venir ?

Au niveau professionnel, l’année 2020 est un grand tournant dans ma vie, car à 60 ans j’ai pris ma retraite en début d’année ! Et c’est avec grand plaisir. Car un vent de grande liberté souffle désormais. Mais il y a ce fichu virus qui affecte particulièrement les artistes. Perso, j’ai eu plusieurs annulations dont un reportage de la TV régionale, une intervention en école primaire, une autre en bibliothèque, et il devait se jouer une pièce de théâtre dans ma grange... Tout ceci est tombé à l’eau. Je suis en plein boum pour sortir mon 5ème recueil avant la fin de l’année 2020. Et mon projet suivant est de créer un guide poético-touristique pour notre département des Ardennes si beau, si injustement méconnu... Concrètement, prendre mon vélo, me rendre sur les sites les plus intéressants, m’en imprégner, écrire, photographier et créer ce guide pour que les visiteurs quand ils se rendent à l’office de tourisme puis acquérir ce guide et pas qu’une carte géographique avec des points dessus !

 

Ard'Eden...

 

Qu’il fait bon errer, flâner

Dans nos sentiers de campagne

Qu’il fait bon le corps s’aérer

Avec ou sans compagne...

Instants magiques en ce début d’automne

Le soleil perce brouillard

Rien n’est monotone

Dans ces chemins de nulle part...

Jolie fleur te salue, te sourit

Champignon perce l’herbe sauvage

Les oiseaux me donnent le tournis

Je rêve, suis dans mon nuage...

Qu’il fait bon errer, flâner

Dans nos recoins d’Ardennes

Terre injustement décriée

Regorgeant de beautés... Eden...

En conclusion, quel message aimerais-tu laisser aux formateurs bénévoles et aux apprenants détenus d’Auxilia ?

Je ne connais pas assez bien le rôle des membres d’Auxilia. Je crois savoir que ce sont des bénévoles formateurs qui accompagnent et soutiennent les personnes en détention. Que ce soit aux formateurs d’Auxilia ou aux apprenants, mon message est qu’il est important de se serrer les coudes, de s’entraider, d’être solidaire. La détention est une terrible épreuve et il est important d’en sortir du mieux possible, voire d’avoir une peine aménagée ou abrégée, la réinsertion  doit être préparée du mieux possible. Apprendre, partager, écrire pour mieux sortir...

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