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29/09/2022

De l’utilité des activités en prison

Acteur engagé depuis 1959 dans la réinsertion des personnes détenues, Auxilia peut témoigner de l’importance des activités programmées en milieu carcéral pour sortir les trajectoires de vie problématiques et brisées des logiques enfermantes qui ont conduit les personnes condamnées en détention. 

 

Face à l’indigence de ressources humaines et matérielles où se trouvent les prisons françaises, les bénévoles d’Auxilia vérifient au quotidien combien les activités culturelles, sportives et éducatives contribuent à la réinsertion des détenus et freinent la récidive.  

 

En quoi les activités en prison favorisent-elles la réinsertion des détenus ? 

 

À titre d’exemple, le spectacle donné au Théâtre de l’Odéon par six détenus et deux anciens détenus du centre pénitentiaire de Fresnes. Malheureusement moins médiatisée que l’activité sportive qui a fait polémique au cours de l’été 2022, ce projet de Sylvie Nordheim, comédienne et intervenante en milieu carcéral a permis aux comédiens amateurs de surmonter leurs difficultés de lecture et de concentration à raison de trois répétitions par semaine durant trois mois. À l’issue de la représentation en novembre 2019, au-delà de l’insigne honneur de s’être produits dans un lieu prestigieux, ils ont déclaré avoir retrouvé leur confiance en eux et en les autres. L’expérience est racontée dans le documentaire réalisé par Guy Beauché, « Le Grand Jour, de la prison à l’Odéon ». 

 

Autre projet remarquable, l’engagement de 8 femmes détenues au centre pénitentiaire de Rennes auprès des seniors des Ehpad d’Ille-et-Vilaine, aux malades en soins palliatifs ou à des déficients visuels. Mis en œuvre par une correspondante de prison bénévole Auxilia, ce projet de CD de lectures et de chansons a permis aux détenues de se découvrir vocalement, au niveau oratoire, mais aussi de se sentir exister, en aidant autrui, en particulier durant le confinement. 

 

Les interventions associatives en milieu carcéral font reculer la récidive 

« Les détenus sortiront un jour, alors il faut les préparer. C’est la société qui en bénéficiera. » Ces propos tenus fin août 2022 au micro de Radio Notre Dame par Alain Petiot, président d’Auxilia, résument bien l’esprit de l’article 707 du Code pénal. En effet, la loi assigne à la prison une double-mission : punir, mais aussi donner aux personnes condamnées les moyens de sortir de la délinquance ou de la criminalité. 

 

Ces moyens passent par une restructuration de la personnalité et une restauration de la confiance et de l’image de soi, comme l’ont bien compris les bénévoles d’Auxilia[1]. Les cours par correspondance et en présentiel dispensés par les enseignants-formateurs permettent depuis plus de 60 ans aux personnes détenues de prendre confiance en leurs ressources intérieures et de saisir les opportunités de lien social. 

 

Or, la surpopulation et ses effets en cascade réduisent les capacités de l’administration pénitentiaire à proposer des activités et du travail aux personnes détenues. Au manque de locaux et de matériel s’ajoutent la surcharge de travail pour le personnel pénitentiaire, dans un milieu anxiogène, dominé par les bruits des alarmes, des cris ou des clés. La violence n’est jamais loin, aggravée par la promiscuité et l’oisiveté contrainte par le manque d'activités.  

 

Dans ces conditions, l’action des associations partenaires de l’administration pénitentiaire est vitale car si les conditions actuelles d’incarcération peuvent renforcer l’exclusion sociale et la pauvreté, les interventions associatives contribuent, au contraire, à les faire reculer. 

 

Les activités en prison : une question de dignité ! 

 

Un bénéficiaire de l’enseignement à distance d’Auxilia témoigne :  

 

« Certains détenus se contentent de dormir 15 heures par jour, imprégnés de médicaments, et le reste du temps de regarder la télé. Sur des années, le cerveau ne tient pas, je l’ai vu sur de nombreux détenus. Ainsi, la moindre activité intellectuelle constitue dans ce milieu un véritable fil d’Ariane. » 

 

Ce « fil d’Ariane » peut être aussi bien d’ordre sportif, culturel et récréatif qu’intellectuel. Remettre en cause les activités en prison, c’est priver les personnes détenues de leur dignité, en plus de la privation de liberté. Alain Petiot le souligne dans son entretien à Radio Notre Dame. La philosophie, le foot, le rire, et tout ce qui permet de faire momentanément abstraction du milieu carcéral contribuent au maintien de l’équilibre psychologique de la personne incarcérée. « Quel homme n’a pas besoin de rire de temps en temps ? (…) Le chemin de la réinsertion n’est pas unique, selon les personnes. Il y a mille et une pistes à exploiter. Il y a nécessité d’organiser des activités ludiques en prison. »  

 

C’est pourquoi les enseignants-formateurs bénévoles d’Auxilia s’adaptent toujours aux envies des apprenants, sans jugement ni injonction de résultat. On peut citer l’éveil de Roland à l’histoire de l’art. Cet apprenant Auxilia depuis 2018 a vu son horizon s’élargir, grâce à la découverte de peintres tels que Foujita, Garzoni, Magritte, Höller et bien d’autres, et surtout grâce aux commentaires de sa formatrice- enseignante sur ses propres dessins. 

 

Auxilia appelle au soutien des initiatives en faveur de la réinsertion  

 

Éduquer derrière les barreaux, apporter culture et divertissement, créer du lien social, Auxilia a fait l’expérience du caractère indissociable de ces actions en matière de réinsertion.  

 

S’il fallait un dernier exemple, citons les bons résultats des Promotions Victor Hugo mises en œuvre en partenariat avec l’association Justice 2ème chance. Dans ce programme d’accompagnement vers l’emploi à la sortie de prison, en plus des techniques de recherche d’emploi, des ateliers d’expression corporelle et artistique ont permis aux personnes détenues de reprendre confiance en elles. Un exemple parmi tant d’autres, qui montre dans quelle mesure les actions programmées en milieu carcéral doivent perdurer dans leur diversité de thèmes et d’approches, pour la sauvegarde d’un équilibre social déjà fragilisé.  

 

Lisez ou relisez l’entretien d’Isabelle Verrecchia, Directrice de l’Engagement de la Fondation du Groupe M6, soutien de l’association Auxilia, dont l’objectif principal est de lutter contre la récidive en favorisant la réinsertion des personnes placées sous-main de justice : 3 questions à Isabelle Verrecchia - Fondation M6 

 

 

[1] La Lettre Auxilia - Édition spéciale 90 Ans, page 5 

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