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11/09/2019

Apprendre à lire par correspondance

LE BERGER CORSE

Le 1er février 2011, en tant que responsable du groupe 10 à Auxilia, je recevais parmi les dossiers d’apprenants souhaitant une remise à niveau tant en français qu’en mathématiques, celui de David. Je décidais, alors, de prendre en charge ce dossier ...

 

Incarcéré en Corse, David purgeait sa peine dans ce qu’il convient d’appeler une « prison ouverte » c'est-à-dire sans barreaux, sans mitard, sans murs d’enceinte …

En prenant connaissance de ce qu’il avait rédigé, je mesurais de suite que la tâche s’avérait être une tâche à longue haleine tant le niveau me semblait faible. En effet comment pouvais je ne pas en être persuadée quand je lisais des phrases telles que : « je savepalire ni ecrire … je veu me debrié ».

Une seule certitude : David n’était pas analphabète puisqu’il connaissait les lettres, mais il faisait partie de ces personnes que l’on qualifie pudiquement d’illettrées.

Je me lançais dans l’aventure en étant persuadée que j’allais d’abord vivre un temps de tâtonnement que je devrais mettre à profit pour répondre à tous mes questionnements. En même temps, je trouvais que le jeu en valait la chandelle à savoir : prouver que le pari fou d’apprendre à lire par correspondance avait toute sa place à Auxilia.

Que les premiers mois de travail avec David furent déstabilisants ? Alors que j’accompagnais les devoirs adressés à David, d’un petit courrier où je m’efforçais de trouver des mots simples à lire et à comprendre et dans lequel je cherchais à ce qu’il m’exprime ses difficultés et ses réussites, je n’avais en retour après plusieurs semaines que le travail fait correctement, mais sans aucun mot de correspondance pour répondre à mes interrogations.

Difficile dans ces conditions de bien identifier le véritable niveau de l’apprenant et de savoir si ce que l’on propose est correctement assimilé. J’avais même tenté de poser mes questions sur la fiche de devoir, mais cela n’avait pas été suivi d’effet.

Je pense que David avait besoin de prendre du recul par rapport à cet apprentissage qu’il lui fallait maîtriser, de comprendre que ce qui lui était proposé devait lui permettre de progresser, de se persuader qu’il avait toutes les capacités pour réussir le pari de devenir un véritable lecteur.Pendant ce temps, bien trop long à mon goût, nous nous sommes contentés d’échanger des fiches de leçons et de devoirs. 

Il était l’élève qui reçoit des devoirs, qui les réalise et les renvoie. J’étais le formateur qui construit son cours et ses exercices s’arrêtaient là ! Un exemple : à l’occasion de Noël, je lui adressais un carnet de timbres accompagné d’une carte de vœux. En retour rien, le silence. À tel point que, même si je n’attendais pas un merci, je m’étonnais de ce silence et me demandais s’il avait bien reçu mon envoi.

Puis petit à petit, sans savoir pourquoi, la situation a évolué.

David a commencé à joindre à ses devoirs un petit mot amical dans lequel, certes, il ne s’épanchait pas trop, mais au moins il exprimait un petit détail personnel comme écrire qu’il était papa de plusieurs enfants.

 

 

Monique Girardet, bénévole Auxilia depuis 2004

Membre du conseil pédagogique d'Auxilia, enseignement à distance.

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