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08/09/2022

63 ans de lutte contre l'illettrisme

Les Journées Nationales d’Action contre l’Illettrisme (JNAI) qui se déroulent du 8 au 15 septembre 2022, sont l’occasion pour Auxilia de retracer son engagement aux côtés des personnes détenues en situation d’illettrisme. Un combat mené depuis 1959 à travers un réseau de 800 enseignants-formateurs bénévoles.  

 

Cette action fait aujourd’hui figure de référence et mérite d’autant plus d’être mise en lumière qu’elle est unique en France. En effet, peu d’associations sont en mesure de saisir les situations de rupture culturelle, sociale et identitaire à leur source. Car en offrant aux personnes détenues les compétences de base qui leur ont manqué, Auxilia permet aux personnes fragiles d’avoir meilleure prise sur un quotidien carcéral très textualisé, et ce, même si elles ont plus de 25 ans, et sont donc exclues des publics privilégiés par l’Éducation nationale. 

 

L’illettrisme touche plus de personnes en détention que dans le reste de la France 

 

Le Conseil économique, social et environnemental estime à 23 % la part des personnes en situation d’illettrisme parmi la population pénitentiaire, contre 7 % dans la population générale [1]. Cette évaluation quantitative recoupe les conclusions récentes d’une enquête conjointe d’Emmaüs France et du Secours catholique. Selon ce rapport publié en 2021, 53% des personnes détenues en France sont non-diplômées et plus d’un tiers des diplômés ont un niveau CAP, BEP ou équivalent [2]. 

 

On considère en situation d’illettrisme les personnes qui, bien qu’ayant été scolarisées en France, ne maîtrisent pas les savoirs élémentaires tels que l’écriture, la lecture, le calcul. Les conséquences au quotidien sont incommensurables. Ne pas pouvoir lire un texte simple ni compter sa monnaie ou communiquer de manière satisfaisante avec le monde sont autant de situations qui s’accompagnent d’un sentiment de honte.  

 

Les publics fragilisés sont particulièrement touchés par un phénomène qui s’enracine dans un long passé de frustration et d’enfermement linguistique, voire de repliement sur soi. N’ayant pas les moyens d’imposer leur pensée par des discours articulés, ces personnes ont plus facilement recours à la violence, particulièrement lorsqu’elles sont confrontées à des argumentations impossibles à contrer à leur niveau

 

L’illettrisme a des conséquences dramatiques en milieu carcéral 

 

L’illettrisme en prison est plus préoccupant que dans le reste de la population dans la mesure où les personnes détenues ne peuvent interagir avec l’administration pénitentiaire autrement que par la voie écrite. Dès l’admission, le « carnet arrivant » décrit le règlement et le fonctionnement de l’établissement sans explication orale de la part du personnel pénitentiaire. Cantiner, faire une démarche administrative, s’inscrire à une activité, etc., tout acte de la vie quotidienne exige l’emploi d’un crayon et d’une feuille de papier. Bien entendu, les demandes d’inscription aux cours pour apprendre à lire et à écrire doivent, elles aussi, être formulées par écrit ! 

 

Association reconnue d’utilité publique, Auxilia, une nouvelle chance s’efforce d’inverser ces destins depuis 63 ans, grâce à des formateurs bénévoles qui ont développé un savoir-faire précieux.  

 

Certains bénévoles se sont spécialisés dans la prise en charge des personnes touchées par l’illettrisme en expérimentant des méthodes et des supports adaptés. 

 

Du côté de l’enseignement à distance (EAD), l’écoute, la patience et l’ajustement des supports de cours aux progrès et difficultés des apprenants produisent des déblocages décisifs. Le maître mot : quitter les postures élève-professeur et valoriser les compétences indéniablement acquises par l’apprenant hors parcours scolaire. Monique Girardet, formatrice-enseignante bénévole met à disposition ses pratiques dans cet article. 

 

Sortir de l’illettrisme facilite la réinsertion 

 

L’apprenant qui dépasse les situations d’illettrisme conquiert les moyens de son autonomie malgré les fautes de grammaire résiduelles qu’il pourra corriger en poursuivant son projet de formation. En témoignent les propos de J.W., apprenant Auxilia depuis 2017 : « J’ai rencontré Auxilia aux Baumettes (…) Je savais parler français, mais je ne savais ni lire ni écrire. Deux anx plus tard, je peux lire les actes et je peux écrire les lettres. Pour la première fois je peux lire et comprendre mon dossier. » 

 

En travaillant les compétences de base le plus en amont possible de leur sortie de prison, Auxilia permet aux personnes détenues de développer un nouveau rapport à soi et favorise une émancipation intellectuelle fertile en progrès personnels et professionnels.  

 

Les personnes qui sortent de l’illettrisme peuvent ainsi suivre des formations pré-qualifiantes ou qualifiantes et, une fois dehors, naviguer sur Internet, envoyer des textos, réaliser les démarches administratives, lire et traiter leur courrier, se repérer plus facilement dans l’espace. Surtout, ils ont la possibilité de lire les offres d’emploi et de postuler par écrit. Cette réinsertion par le travail est un puissant facteur de désistance (ou sortie de la délinquance) et donc un moyen éprouvé d’empêcher la récidive. 

  

La lutte d’Auxilia contre l’illettrisme en prison : une expertise reconnue par l’ANLCI 

 

Engagée auprès des personnes détenues plus touchées que le reste de la population française par les situations d’illettrisme, Auxilia complète l’action de l’État, de l’administration pénitentiaire et des associations qui interviennent sur ce champ. L’association a ainsi développé une expertise reconnue par l’Agence Nationale de Lutte contre l’Illettrisme (ANLCI), dont elle est membre du comité consultatif. 

 

Dans le cadre de son programme d’échange de bonnes pratiques soutenu par le Fonds Social Européen, l'ANLCI a diffusé en 2019 un guide pour faire reculer l’illettrisme. Ce document évalue les actions de formation portées par Auxilia, complétées par celles de l’association Justice 2ème chance (J2C) en faveur de l’insertion professionnelle des personnes sorties de la détention ou placées sous main de justice, en collaboration avec l’Administration Pénitentiaire. 

 

Vous pouvez lire le document ici : Réussir la réinsertion des détenus en situation d'illettrisme, guide pratique ANLCI 

 

 

 

[1] Avis n°28 du Conseil économique, social et environnemental – La réinsertion des personnes détenues : l’affaire de tous et toutes, novembre 2019, page 53 cité par le collectif Walden 

 

[2] Rapport Emmaüs France et Secours Catholique : Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison 

 

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