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24/11/2022

Quels bienfaits pour les apprenants ?

Pour mesurer les retombées des actions éducatives d’Auxilia en direction des personnes détenues, notre organisme s’est doté, au fil des années, de nombreux outils d’évaluation. On peut compter : 

 

  • Les comptes-rendus de visite des correspondants de prison, 
  • Les réponses aux sondages réguliers envoyés à un échantillon de bénéficiaires,
  • Les fiches semestrielles des formateurs reportant l’évolution des apprenants dans chaque matière dispensée.

 

À ce jour, les outils d’appréciation les plus riches d’enseignements sont les courriers postaux des apprenants. En effet, ils alertent les formateurs-enseignants en cas de difficulté, et renforcent leur motivation dans les avancées. Mais surtout, ces témoignages de première main expriment de manière souvent poignante la réalité des bienfaits d’Auxilia sur les bénéficiaires.  

 

En 2020, à l’occasion des 90 ans de l’association, la Lettre Auxilia a sollicité et rassemblé ces témoignages dans une édition spéciale. De la lecture de ces verbatims, nous avons pu identifier les trois bienfaits majeurs d’un dispositif éducatif unique en France. 

 

1) Création de liens avec le monde extérieur 

 

Les premiers bénéfices découlent indiscutablement des opportunités de rencontre entre des apprenants en rupture sociale, et des formateurs animés par les valeurs inscrites dans notre projet associatif. En faisant preuve d’un altruisme bienveillant et confiant dans les potentialités et les ressources de la personne détenue, le bénévole donne à la personne détenue les clés de l’estime de soi. Les perspectives s’ouvrent au fil des échanges épistolaires 

 

FS, apprenant Auxilia EAD depuis 2018 a ainsi appris à écrire son futur avec espoir malgré un passé difficile et un quotidien carcéral pesant : « aujourd’hui avec Auxilia, je me sens en pleine confiance. »  

 

Ces lettres insistent sur la disponibilité des bénévoles, ainsi que sur le respect, l’écoute et le soutien sans faille qu’ils accordent à distance. En plaçant la personne incarcérée au cœur de son action, le formateur fait bien plus qu’enseigner. « Nous échangeons sur différents sujets, écrit Béatrice, apprenante Auxilia EAD depuis avril 2015, et chaque lettre reçue et/ou envoyée constitue une bulle d’oxygène dans mon quotidien de détenue. » 

 

2) Formations qui suppléent le centre scolaire de l’Éducation nationale 

 

Au sein des établissements pénitentiaires, à peine 25% de la population accède à un enseignement scolaire à raison de quatre heures par semaine en moyenne. Ce chiffre chute à moins de 16% pour la formation professionnelle. Et dans la mesure où les mineurs et les personnes en situation d’illettrisme ou allophones (ne parlant pas le français) sont prioritaires, la liste d’attente peut sembler sans fin pour les autres catégories de candidats à l’instruction. 

 

Yannick, apprenant EAD depuis novembre 2018 en témoigne : « Quand j’ai demandé à suivre des cours en détention, la seule réponse que j’ai eueétait : ‘Vous êtes sur liste d’attente pour suivre des cours’. En lisant le règlement, j’ai vu qu’on pouvait suivre des cours par correspondance. » 

 

Pour certaines personnes incarcérées, il est tout simplement impossible d’accéder aux programmes proposés par l’Éducation nationale. Soit parce que le travail qu’elles occupent la journée ne leur permet d’étudier que le soir. Soit parce qu’elles sont placées en quartier d’isolement. 

 

Dans le second cas, elles sont privées de toute activité. Formation professionnelle, emploi, activité culturelle ou sportive, contact direct avec d’autres personnes détenues : tout leur est interdit. De ce fait, les cours par correspondance d’Auxilia constituent le seul moyen pour les personnes placées « au mitard » d’acquérir du savoir et de conserver un lien avec l’extérieur.  

 

« Pour beaucoup, explique JD, apprenant Auxilia EAD depuis juin 2014, les quelques appréciations qu’ils reçoivent sur les attestations de suivi semestrielles sont les seules marques d’encouragement qu’ils peuvent recevoir durant de longues années. Il est difficile d’imaginer, dans un quotidien à la fois aussi obscur, monotone et violent, l’intensité et l’ampleur que peuvent avoir quelques lignes encourageantes dans ce qui n’est après tout qu’un bulletin scolaire. » 

 

3)Co-construction d’un projet de sortie de détention 

 

De manière générale, le dialogue épistolaire avec le formateur-enseignant permet au bénéficiaire de se réapproprier sa vie. En se plaçant au service de l’apprenant, sur un pied d’égalité et sans jugement, le bénévole lui permet de progresser à son rythme, selon son niveau, ses difficultés et ses passions.  

 

L’espace ainsi aménagé pour l’expression de soi permet la réflexion et, au bout du compte, la prise de décisions. Voilà ce qui favorise l’éclosion d’une envie, d’un objectif et d’un plan d’action. Encore faut-il que l’offre de formation s’adapte à ces projets.  

 

Or, les bénévoles Auxilia ont précisément à cœur d’élaborer des programmes de formation sur mesure, avec la participation des apprenants. « Et cette année, détaille Maël, apprenant Auxilia EAD depuis décembre 2018, comme je ne peux pas passer le Master, je vais passer un CAP Logistique. Le Master communication, je le réserve pour l’année prochaine dans le cadre d’une conditionnelle. Et si je trouve un petit travail, ce n’est pas plus mal. »  

 

Auxilia va plus loin avec le Guide d'évaluation d'impact des projets Justice/Prison  

 

90 ans d’engagement, c’est le signe qu’Auxilia « n’apporte que de bonnes choses à tous ceux qui sont inscrits ». Tels sont les mots de Jean-Paul, apprenant EAD depuis octobre 2017. C’est aussi le temps pour notre association d’affiner nos outils d’évaluation, dans le souci de questionner nos pratiques en plaçant nos bénéficiaires au cœur d’une démarche d’évaluation méthodique. Un tel dispositif présente l’avantage de mesurer et démontrer nos bienfaits selon des critères propres aux enjeux de la réinsertion et de la prévention de la récidive. 

 

Dans cet esprit, nous avons saisi l’opportunité fournie par l’Association Possible et l’incubateur Ronalpia de participer à l’élaboration d’un référentiel d’évaluation d’impact à destination des porteurs de projets du secteur Justice. Pendant un an et demi, nous avons formé un groupe pilote aux côtés de 5 autres organisations(1), sous la conduite des 2 structures accompagnatrices et grâce à l’expertise du cabinet Kimso, spécialiste en évaluation d’impact social. L’objectif pour chaque organisme était de mettre en place une démarche d’évaluation qui soit adaptée à ses réalités de terrain. 

 

Pour initier notre démarche nous avons envoyé en mars 2022 un premier questionnaire afin de mesurer l’impact de notre action auprès d’une centaine d’apprenants d’Auxilia venant d’intégrer le dispositif EAD. Nous les avons consultés sur leurs conditions de vie en détention, leur rapport aux autres et leur estime d’eux-mêmes à cette étape de leur parcours. Un deuxième questionnaire a été envoyé en octobre 2022 pour suivre l’évolution des répondants et déterminer les effets de quelques mois de suivi. 

 

Ce travail collectif sans précédent dans le secteur pénal et carcéral a donné naissance au guide d’évaluation publié en septembre 2022. Nous sommes heureux d’avoir ainsi contribué à doter l’ensemble des structures d’insertion d’outils spécifiques au secteur Justice/Prison. Chaque organisme pourra se réapproprier ce référentiel et l’enrichir, afin d’orienter ses prises de décisions dans le sens d’une amélioration continue, tout en valorisant son impact sur l'insertion des publics sous-main de justice. 

 

 

(1) Les 5 autres porteurs de projet pilotes : Permis de construire, Les Foyers Matters, CodePhenix, Tremplin Hommes et Patrimoine, l’AtiGIP. 

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