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05/11/2019

Coin lecture - Prix Goncourt 2019

Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon - Jean Paul Dubois

Editions de l’Olivier - Prix Goncourt 2019

LE LIVRE :

Ce n’est pas seulement parce que Jean-Paul DUBOIS vient d’être récompensé par le Prix Goncourt pour « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon », devançant d’une courte tête Amélie NOTHOMB, qu’il a sa place dans une note de lecture à Auxilia.

 

C’est aussi et surtout parce que Paul HANSEN, le personnage principal, fils d’un pasteur d’origine danoise, Johanes, émigré en France puis au Canada, et d’Anna, une Toulousaine exploitante d’une salle de cinéma, passée par une phase d’euphorie soixante-huitarde, purge deux années de prison dans un pénitencier de Montréal, où il est entré le jour de l’élection de Barack OBAMA.

La description de la vie dans une cellule de 6m² occupe presque la moitié du livre, alternant avec l’histoire de sa vie d’avant, jusqu’à l’événement qui sera la cause de sa condamnation, qu’on ne connaîtra qu’à dix pages de la fin du livre.

Son compagnon, Patrick HORTON, fan de Harley Davidson, dur au cœur tendre, menace de couper en deux toute personne qui se mettra sur son chemin. Il vivra une illumination dans le bureau du directeur de prison, lui-même branché Harley Davidson.

On retrouvera dans ces pages un environnement proche de ce que nous connaissons en France : la promiscuité dans la cellule, les rats, le dentiste approximatif, son probationnaire qui attend désespérément qu’il exprime des regrets vis-à-vis de son geste avant de demander un aménagement de peine…

 

Certains parlent de « tribulation tragi-comiques d’un fils de pasteur emprisonné à Montréal » ou de sa « longue confession, tragique et burlesque ». Ce livre est tout sauf tragi-comique (tragi-comédie selon Larousse : « œuvre dramatique qui tient de la tragédie et de la comédie – en France au 17ème siècle, tragédie dont le dénouement est heureux ». Comédie : pièce de théâtre destinée à provoquer le rire par le traitement de l’intrigue, la peinture satirique des mœurs, la représentation de travers et de ridicules »).

Certes, on peut dire qu’on est dans la tragédie, au sens commun du terme, par l’accumulation de morts : sa mère, son père, sa compagne Winona, sa chienne Nouk, tous disparus prématurément. Il convoque régulièrement les fantômes de ces trois derniers auprès de lui. C’est ce qui l’aide à survivre, paradoxalement.

Mais on n’est certainement ni dans la comédie ni dans le burlesque, tant Jean-Paul DUBOIS, par sa subtile maîtrise de la langue française, nous fait plutôt sourire que rire. Un sourire intelligent, tout en finesse. Les morts, le co-détenu, le directeur de la prison, le responsable de la résidence où il travaille, tous ces personnages, tout comme son incarcération et l’expérience qui l’a précédée, sont traités sur un mode léger sur la forme, avec une certaine distance, sans pour autant renier le fond, fait de bienveillance envers les plus faibles, en opposition à ceux qui voudraient réduire la vie à un fichier Excel.

 

Il finira par retourner aux sources…

LES CRITIQUES :

Quelques critiques ne s’étaient pas trompés, lors de la sortie du livre en septembre :

 

C'est un roman parfait pour plusieurs raisons. D'abord, par rapport au précédent roman de Jean-Paul Dubois, "La Succession", que j'avais beaucoup aimé, pour son style extrêmement délicat, l'humour et la tristesse permanentes, le mélange des deux donne quelque chose d'assez singulier et irrésistible. Mais "La Succession" flottait narrativement, il y avait quelque chose d'éparpillé dans le récit, d'imparfait - ce qui lui donnait néanmoins beaucoup de charme. La narration de Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même

façon, quant à elle, est parfaite. C'est très structuré, très bien construit : on est en prison avec ce type, on se demande pourquoi il est là, et les épisodes en prison vont alterner avec des réminiscences du passé qui, petit à petit, vont reconstituer sa vie et nous faire comprendre pourquoi il est en prison. Il n'y a pas une page où l'on s'ennuie, parce qu'on attend de comprendre comment ce brave type s'est retrouvé en prison. Grégoire Leménager, journaliste au service culture de L’Obs

C'est un beau traité sur les manières de rater sa vie. On y trouve toutes les obsessions de Dubois et on est heureux de les retrouver. Il y est question de tondeuse, de voitures avec leurs références très précises, de foi, une épouse disparue, des chiens et un peu de chamanisme." Raphaëlle Leiris, cheffe adjointe du Monde des Livres

Ce roman, presque malgré lui, est calibré pour être un prix Goncourt. Sa construction frise la perfection. Dans sa littérature, il est avant tout question de délicatesse et d'humanité d'auteur où le verbe est au service de la description d'une vie qui, a priori, n'est pas très intéressantes. Jean-Christophe Brianchon, rédacteur en chef de I/O Gazette

Jean-Paul DUBOIS :

 

Jean-Paul DUBOIS est, à 69 ans, à l’origine d’une œuvre déjà très riche, récompensée par plusieurs prix : prix France Télévisions pour Kennedy et moi (Seuil, 1997), prix Femina et prix du roman Fnac pour Une vie française (L'Olivier, 2004).

C’est par ce dernier, « Une vie française », offert par un ami, que j’ai découvert cet auteur. Décrivant 50 ans de la vie d’un homme au cœur de la société française, commençant avec Charles DE GAULLE et s’achevant avec Jacques CHIRAC, c’est un roman que l’on peut presque qualifier d’historique, que tout cinquantenaire (et plus) devrait avoir lu.

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