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Amitié et relation d'aide
L'amitié peut prendre des degrés très différents. Je peux par exemple parler d'un ami que je vois de temps en temps, à qui je pense... quelquefois. Mais ce sentiment peut revêtir un caractère beaucoup plus intense, et quoi qu'ait dit La Fontaine, les vrais amis peuvent se trouver hors du Monomotapa. Ce sentiment peut même être si fort qu'on peut alors parler d'amour, sans pour autant qu'il comporte quelque relation sexuelle que ce soit.
Mais ce qui est commun à tous ces degrés d'amitié ou d'amour, c'est leur caractère réciproque, symétrique peut-on dire. On parle d'ailleurs d'une amitié ou d'un amour partagé. Les êtres unis par de tels liens partagent en effet souvent les mêmes comportements, pensées, opinons, croyances... Et le sentiment que l'un éprouve pour l'autre est pareil à celui que l'autre éprouve en retour. Dans ce type de relation, les actes et les paroles s'échangent sur un même niveau, ce qui permet d'ailleurs quelquefois de constater qu'une réelle amitié efface les niveaux sociaux. En s'alimentant des échanges, l'amitié se renforce et peut perdurer aussi longtemps que la vie, et même il se peut que le survivant continue d'échanger avec le souvenir de celui qui est parti.
De tels sentiments peuvent-ils exister dans la relation d'aide? Chaque fois que se pose cette question, me revient à l'esprit l'image de l'animateur d'une association (Astrée) : « Si vous voulez aider quelqu'un à sortir d'un trou, tendez-lui la main, mais ne descendez pas dans le trou. » L'image illustre bien ce que j'ai souvent observé : la relation d'aide unit des êtres d'une manière qui n'est pas symétrique.
En effet quand quelqu'un se trouve dans une situation de malaise, de faiblesse, dont il désire sortir, s'il en sort seul, ses capacités s'en trouvent renforcées à ses propres yeux et à ceux de son entourage. Mais s'il en sort grâce à l'aide de quelqu'un d'autre, ce dernier lui apparaît comme un être doué de capacités supérieures aux siennes. De plus il peut se sentir débiteur par rapport à celui qui l'a aidé.
Cette situation peut d'ailleurs être peu confortable, et c'est pour cela que l'on rencontre des gens qui pourraient être aidés, mais qui ne le veulent pas.
L'aidant, lui, par contre, ne se sent jamais dans une situation d'infériorité par rapport à l'aidé. Il peut même s'en sentir responsable, protecteur et, en quelque sorte, un peu paternel. Il arrive alors qu'il soit tenté de développer une relation amicale avec l'aidé. Mais compte tenu de la situation psychologique de ce dernier à son égard, il risque, en retour de son élan affectif, de recueillir de la gratitude, du respect, de la considération... mais pas une réelle amitié.
Il faut donc admettre qu'une réelle amitié a bien du mal à s'établir dans une relation d'aide, et qu'il est très difficile d'être le véritable ami de celui qu'on aide.
Article publié dans La Lettre d'Auxilia N°10 mai 2016
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